Du Fail en quelques mots… ou « Le cadeau de Noël… »
A la rencontre du Prince des Balivernes en Musique, commentaire prononcé lors de la première édition des Nocturiales d’Eutrapel, les 6, 7 et 8 Juillet 2012 :
Amis, vous l’avez bien compris, Noël du Fail fait partie de la famille… Ou peut être est il un cousin à la mode de Bretagne, qui sait ?
Du moins, vous savez que pour nous, ici, il fait partie du paysage.
Ce qui nous ferait grand plaisir, c’est qu’après cette soirée et ces beaux moments partagés, à vos souvenirs s’attache quelque chose qui fasse qu’il ne s’évanouisse pas totalement de vos pensées…
Aussi, tenterai je, à travers quelques mots clés, qu’il vous revinsse en mémoire…
Déjà, un contemporain jaloux de son talent, austère chancelier de son état, l’avait méchamment qualifié de « singe de Rabelais », le reléguant au rang d’un petit plagieur du chantre de la dive bouteille !
La formule était facile, mais ce sobriquet pour aisé qu’il soit à retenir, ne reflète pas la vérité.
Si du Fail avait incontestablement lu maître Alcofribas Nasier – l’anagramme de François Rabelais -, et s’en était inspiré, il a su se révéler un conteur excellent, un artiste né, de l’école hollandaise, peignant dans ses propos la vie de tous les jours, les mœurs populaires, avec un art singulier de mettre en relief les traits curieux, plaisants de ces milieux qu’il a hantés, enfant à la campagne, dans ses pérégrinations autour de Château Letard, puis étudiant à Paris, et magistrat enfin.
« Il n’y a celuy de nous qui ne sache combien le docte Rabelais en folastrant sagement sur son Gargantua et son Pantagruel, gaigna de grace parmi le peuple. Il se trouva peu après deux singes qui se persuadèrent d’en pouvoir faire autant, l’un sous le nom de Léon Ladulfi, en ses Propos Rustiques, l’autre sans nom, en son livre des Fanfreluches. Mais autant y profita l’un que l’autre, s’estant la mémoire de ces deux livres perduz ».
Voilà ce qu’en assène Etienne Pasquier en 1555, à la suite de la première de ses parutions.
Et puis ce à quoi vous l’associerez, bien sûr, c’est aux Baliverneries d’Eutrapel…
Son deuxième recueil qui le caractérise si bien… Car Baliverneries, c’est sa création. Le mot n’existe pas avant lui. Il l’invente de toutes pièces, ne voulant pas se servir du mot « facétie » venu de l’italien, qui consiste à faire rire par un récit bref et spirituel autour d’un bon mot ou d’un bon tour, art de la parole fort à la mode dans les ouvrages de savoir vivre et de conversation de la Renaissance Italienne. Il en garde l’esprit, mais pour traduire sa bonne humeur, son caractère gai, il forge un mot neuf, unissant « baller » – tourner en dansant – et « verner », – tourner sur soi même, virevolter – pour qualifier l’humeur et le mouvement incessant de son personnage, Eutrapel…
Et cet Eutrapel, le pseudonyme transparent derrière lequel il se met en scène dans les Baliverneries comme dans ses Contes et Discours parus à la fin de sa vie, ne signifie t-il pas en grec, « agréable, plaisant » ? Toute l’image qu’il voulait que la postérité conservât de lui…
Donc, Eutrapel, jeune, impétueux, séduisant, se plait à baliverner…C’est son naturel dont il veut qu’on se souvienne, qui est de « follastrer, rire et escrire de mesme », dit-il, car nous conseille t-il, « il faut premier en dire de vertes et de meures, ensemble baliverner, de sorte qu’avec le temps on puisse parler à bon escient ».
Façon de dire qu’un esprit équilibré se doit de savoir rire, plaisanter, pour mieux pouvoir sainement raisonner et décider.
Voilà son message.
Mais ce qui est peut être le plus signifiant, c’est qu’à travers Eutrapel, Noël du Fail développe l’Eutrapélie…
Si le personnage d’Eutrapel prend racine dans les écrits d’Aristote, et se retrouve dans l’œuvre d’Erasme, notre ami en fait le centre de son trio de devisants, et s’incarne en lui.
Car cette « facilité à se tourner » qu’est étymologiquement l’Eutrapelia, suggère une agilité d’esprit, une souplesse et une vivacité intellectuelle, pimentée de traits d’esprit, voir hérissés de saillies mordantes, sous lesquelles il aime à se faire voir.
Gai, heureux de vivre, intelligent, son aisance à s’exprimer et à communiquer se plait à jongler avec – c’en est sa définition -, « une démesure des propos tempérée par une bonne éducation ». Volontiers frondeur, faisant fi des bonnes manières et des convenances, il se donne une image d’impertinent policé et raffiné, à la personnalité bien affirmée.
Il faut « parler librement, sans crainte révérencielle, sans épargner personne, en riant de tout le monde et en premier lieu de soi-mesme », nous recommande -t-il.
Le conseil donc qu’il nous lègue pour conduire notre propre vie, est de cultiver l’Eutrapélie.
Savoir se divertir en se moquant, de soi même d’abord, s’opposer en ne craignant pas à l’occasion d’être impertinent, voire acerbe, permet de relativiser les choses, dans notre brève histoire du Temps. Chaque seconde qui s’égrène est unique. Pourtant certains l’oublient…
Sachons, comme ce soir en profiter au mieux, restons capable de nous émerveiller et ouvrons nos oreilles aux mille chants d’oiseaux qui nous entourent…
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la Vie, du Fail pronant l’Eutrapélie ne nous dit pas autre chose… En cela certes, il est effectivement dans la droite ligne de son aîné tourangeau …
Rabelais de la Bretagne, qui a fait naître au dictionnaire les Baliverneries, il a choisi ce doux nom d’Eutrapel pour que la postérité se souvinsse de lui…
Alors amis, qui ce soir nous accompagnez, devenez avec nous, les Ambassadeurs de sa mémoire…
Disciple d’Eutrapel, deviens le, et comme il nous le dit… fais en ton profit ! N’est ce pas un beau cadeau de Noël ?
Laisser un commentaire