Galerie des bibliophiles

Pour les amateurs d’éditions anciennes, et pour le plaisir des bibliophiles, nous vous permettons de parcourir quelques pages des trois receuils qui constituent ce qu’il est convenu de dénommer « Les Oeuvres Facétieuses« , dans des versions qui permettent d’apprécier l’imprimerie d’autrefois. Puissent la lecture de ces quelques pages, vous donner envie d’aller plus loin et de vous plonger dans la consultation des éditions anciennes, qui pour certaines sont disponibles à la Bibliothèque Municipale de Rennes.

Accéder aux galeries : Propos Rustiques – Les Baliverneries d’Eutrapel – Contes et Discours d’Eutrapel

Un certain nombre d’ informations transmises sont extraites de l’avant propos du « Noël du Fail écrivain » par Catherine Magnien Simonin, paru à l’Oiseau de Minerve en 1991, et diffusé par la Librairie philosophique Vrin, suite au Premier Colloque International Noël du Fail organisé les 3 et 4 Juin 1987, au Palais Saint Melaine à Rennes, par l’Institut Armoricain de Recherches Economiques et Humaines et par le Centre d’Histoire et d’Analyse des Textes, sous l’égide de l’Université de Haute Bretagne.

Lorsque le Dimanche 7 Juillet 1591 Noël du Fail s’éteint en son logis rennais, qu’il nomme « Hostel de la Herissaye », sis rue de la Bourcerye, il laisse, outre une Histoire de Bretagne, signalée par le bibliographe La Croix du Maine, mais malheureusement perdue pour nous, trois ouvrages narratifs – ses « Oeuvres Facétieuses » – et un recueil d’Arrests.

Ce dernier, somme jurisprudentielle « Les Mémoires recueillis et extraicts des plus notables et solemnels Arrests du Parlement de Bretagne« , connurent la faveur d’un public spécialisé jusqu’au premier tiers du XVIIIème siècle, où l’imprimeur rennais Joseph Vatar les publie encore.
Cette analyse de fond de la jurisprudence, travail colossal d’érudition juridique, fut utilisée en tant qu’ouvrage de référence par les magistrats jusqu’à la Révolution. Publiés en trois livres, le premier contient « les Arrests donnez en l’Audience« , le second ceux des « Chambres« , et le dernier est intitulé « Les Meslanges« . Imprimés à Rennes chez Julien Duclos, imprimeur du Roy, en 1579, ils seront réédités trois fois, en 1654, 1715 et 1737, restant une référence au XVII ème et XVIIIème siècle, tant que dura le droit coutumier breton.

Du Fail ne se contente pas de copier des jugements, il les résume, les analyse, et fait preuve souvent d’une concision pittoresque où se révèle l’art du conteur. Ainsi il recueillit beaucoup de faits propres à caractériser les moeurs du temps, entre autres ceux qui concernent les corps de métiers et les professions libérales, dont les avocats ses anciens confrères, qu’il ne ménage pas.

Ce qu’il est convenu d’appeler « Oeuvres Facétieuses » est constitué des « Propos Rustiques », des « Baliverneries » – ou Contes nouveaux d’Eutrapel – publiés l’année suivante en 1548, et des « Contes et Discours d’Eutrapel », somme beaucoup plus conséquente qu’il a élaborée tout au long de sa vie, constitués de 35 chapitres, et publiés en 1585, sorte de testament qu’il lègue à la postérité quant à ses idées politiques, sociales et philosophiques sur le sens de la vie et la vanité des comportements humains.

Les Contes et Discours d’Eutrapel, oeuvre mêlée, bigarrée, et profuse, touchèrent dès leur parution un large public. Outre les huit éditions parues jusqu’à 1603, Guillaume Bouchet y puisa largement pour ses « Sérrés » et le Sieur du Moulinet s’approprie carrément treize contes d’Eutrapel dans ses « Facéties »!
Presque un siècle plus tard, le Sieur de Hauteroche, met en scène un conte d’Eutrapel dans « Le Deuil » comédie de 1673, et réitère en 1678 pour ses « Nobles de Province ». Mais le débiteur le plus prestigieux est Charles Sorel, qui bien que traitant avec dédain du Fail dans sa « Bibliothèque Françoise », le plagie sans vergogne dans son « Francion ».
Quant au Dictionnaire Universel de Furetière, au début du XVIIIème, il prouve par sa définition du « Conte » que les Contes et Discours constituaient une référence réputée:
« Histoire, récit plaisant. Les Contes de Douville, d’Eutrapel, de Bonaventure des Périers, de la Reine de Navarre sont agréables et divertissans ».

Lors du renouveau des études seizièmistes au XIX ème siècle, les éditeurs et les préfaciers de ses oeuvres ont reconnu en Noël du Fail un auteur « curieux », populaire, rabelaisien, et régional dont ils ont célébré l’égotisme, le réalisme, le pantagruélisme et pour certains comme la Borderie, ont mis en avant sa bretonnité.

Sainte Beuve considérait ses Contes comme un texte en prose « de la force de Villon« .

Quant à Charles Nodier, il déclarait: « Noël du Fail peut sans trop de désavantage prendre sa place après Rabelais ».


Malgré ses obscurités, ses incohérences, ses allusions pour certaines à jamais opaques, ses lapsus, ses amphibologies, dénoncées sans complaisance par Emmanuel Philipot, un de ses meilleurs biographes, les historiens des moeurs et de la civilisation, savent la valeur et l’originalité des renseignements ethnologiques contenus dans ses écrits.
Quant aux linguistes, aux spécialistes du théatre, aux musicologues, ils trouvent aussi matière dans l’étude de ses textes, à nourrir leur érudition.

C’est la raison pour laquelle, les écrits de du Fail constituent une mine de recherches toujours exploitée par ceux qui travaillent à une meilleure connaissance de la société et des moeurs de son temps.