Pourquoi vous intéressez vous à Noël du Fail, vieil écrivain du lointain XVIème siècle ?
Bonjour,
Merci de votre question. En effet pourquoi s’attarder sur un personnage d’un temps si éloigné de notre époque ? On peut répondre par une autre interrogation : pourquoi autant d’ouvrages sont ils encore de nos jours écrits sur François Rabelais ?
Certes Rabelais fut médecin et l’auteur universellement connu de Pantagruel et Gargantua. Mais savez vous que du Fail fut lui magistrat, Conseiller au Parlement de Bretagne, auteur d’un traité de jurisprudence qui a fait autorité jusqu’à la Révolution française, et qu’il a écrit trois recueils qui sont à la fois une peinture originale sur les campagnes de son temps et le reflet de ses idées sociales, politiques et religieuses.
Comme Rabelais, il a double visage. Celui d’un homme sérieux, établi par sa profession et honoré comme tel, et celui d’un original qui tout en riant, évoque les problèmes de son temps et sait porter un regard philosophique sur l’existence. Il sait en conteur joyeux, brosser des tableaux comiques de ces ambivalences entre réalité des choses, orgueil des attitudes et ridicule des gestes, reflétant par là la dualité de sa nature profonde, emprunte tout à la fois de la gravité de ses fonctions juridiques et de la légèreté de sa vision satirique des hommes et du monde.
Bien sûr il n’a pas risqué le bûcher pour hérésie comme son aîné Rabelais, mais inscrit dans son sillage il a porté les idées nouvelles de la Renaissance et de l’humanisme. Et ses aphorismes se révèlent toujours avoir un écho aujourd’hui. Lorsqu’il nous dit « Il n’est rien si injuste qu’un ignorant », ne sommes nous pas devant une question d’actualité ? Les talibans ne sont ils pas à travers leur obscurantisme l’illustration de ce qu’il en a dit ? Dit autrement, la liberté ne sert pas à grand-chose sans éducation… N’y sommes nous pas confronté tous les jours de par les événements du monde ?
Et quand il écrit « Quant la bourse s’estrécit, la conscience s’élargit », n’est ce pas dans notre société en voie d’appauvrissement, tant matériel que spirituel, un jugement pertinent et une bonne philosophie à suivre ? Lorsque l’aisance matérielle vient à manquer, l’introspection
et la réflexion, la prise de distance sur notre quotidien et ses vérités n’est il pas une salutaire et saine démarche ? Et une voie pour guérir…
Du Fail porte tout cela dans ses Oeuvres facétieuses, dont le titre ne doit pas induire en erreur. Il n’est pas qu’un auteur grivois, qu’un bouffon, qu’un plaisantin, comme Rabelais est tout sauf rabelaisien au sens où communément on l’entend. Bien sûr il a aimé faire sourire et sans doute rire franchement. Mais derrière le franc rire gaulois se cache autre chose de plus subtil, de plus profond, qui est la soif de « ça voir ». Comme son maître, Rabelais, il se fait chantre de la Dive bouteille, conseillant à autrui de devenir sage en buvant au tonneau de la Science. Car cette divine bouteille, c’est le gai savoir, la quintessence de la pensée, …et non le tonneau des buveurs bien sûr ! Boire pour savourer le savoir… et apprendre à savoir savourer…
Voilà pourquoi Noël du Fail mérite que l’on s’y attarde. Pourquoi il méritait bien un site. Et pourquoi son nom mérite de s’afficher sans rougir à côté de celui de Rabelais.
Laisser un commentaire